Le yoga et les hommes, une histoire d’a priori
Aujourd’hui, au gré des évolutions sociétales, des débats sur le genre qui interrogent justement, comme le yoga, la réappropriation du corps, les frontières sur le rôle social à jouer sont de plus en plus poreuses entre les deux sexes. Il n’est plus étonnant de nos jours de voir des femmes jouer au football, faire carrière en entreprise et des hommes assumer la charge mentale du quotidien et s’adonner au yoga. Les représentations sociales évoluant, il n’est donc pas totalement surprenant de voir de plus en plus d’hommes prendre goût au yoga et laisser derrière eux leurs a priori.
Ils témoignent souvent de leur étonnement dès la première séance. Une activité souvent plus éprouvante sur le plan physique qu’ils ne le soupçonnaient. Une prise de conscience aussi du manque de maîtrise corporelle qui suscite chez beaucoup le désir d’approfondir la pratique. Cette limitation corporelle, sur le plan non seulement de la souplesse mais également sur celui de la pleine possession de ses capacités physiques, est souvent vécu comme une révolution.
Les hommes ont mis du temps à s’en emparer mais ils commencent à intégrer que cette pratique peut trouver totalement sens dans la mixité.
Et on peut dire que le recours au yoga de certains sportifs de haut niveau est une promotion supplémentaire de sa masculinisation croissante. En effet de très grandes figures masculines du sport expliquent leur longévité pour avoir intégré le yoga dans leur programme d’entrainement. On pourra citer le basketteur LeBron James, le tennisman Novak Djokovic, le rugbyman Jonny Wilkinson, le golfeur Tiger Woods ou le footballeur Ryan Giggs. Longévité, travail corporel spécifique pour réparer les blessures, pour gagner en capacité de concentration, pour permettre de tenir des saisons complètes, le yoga commence même à être intégré dans les protocoles de préparation physique de certains clubs de football, signe que la popularisation du yoga est en marche. Adepte du yoga, l’ancien joueur des Girondins de Bordeaux Ludovic Obraniak témoignait dans l’Équipe : « J’ai acquis des bases de relaxation, de maîtrise de soi, de canalisation de l’énergie. Je pratique le yoga en solo, en couple ou en famille, une vingtaine de minutes par jour. Pour moi, ces exercices sont importants, physiquement comme mentalement. À la maison, je fais aussi des étirements pour éliminer les tensions musculaires. Je suis concentré à 100 % sur mon métier. »
En complément d’une activité sportive plus physique, ou plus cardio, le yoga apparait donc comme un élément aux nombreuses vertus. Il tonifie et renforce les muscles et les tendons rendant les appuis plus fermes et sûrs, dynamisant les mouvements lors de la pratique du sport. Les différents exercices de respiration aident à améliorer l’acte respiratoire, en le rendant plus efficace et plus souple ce qui constitue un atout majeur quand on sait l’importance de la respiration et de la capacité pulmonaire requises dans des efforts intensifs et prolongés ou des sports extrêmes comme l’apnée en grande profondeur. Ce n’est pas un hasard si quelques grands trailers et que beaucoup d’apnéistes chevronnés, tel Guillaume Nery, utilisent le yoga dans leur préparation.
On ajoutera qu’en termes de réduction des blessures, ce peut être un gros avantage quand on sait ce que peut coûter un sportif de haut niveau mis à l’arrêt à la suite d’une blessure. Dans des sports où les enjeux financiers sont importants, une politique de réduction des risques par l’intégration du yoga dans les programmes de préparation physique devenus de plus en plus pointus, est sans doute un investissement. Dès lors, on peut aisément anticiper que les sportifs amateurs finiront par l’adopter à leur tour.
Des cours désormais pour les hommes : sexiste ?
Pour le moment, de nombreux hommes peinent encore à pousser la porte des studios de yoga-Paris, car ils ne trouvent pas bien leur place au milieu de publics trop féminins ou n’adhèrent pas aux séances trop spirituelles, même si nous l’avons dit, les mentalités évoluent dans les jeunes générations. De plus les hommes se trouvent souvent trop raides, trop tendus, ont le sentiment de ne pas pouvoir réaliser des postures convoquant la souplesse et redoutent les jugements. Cette perte de souplesse est très fréquente lorsqu’on pratique, le cyclisme, la musculation qui ont tendance à raidir les muscles. L’idée que le yoga se prête davantage à la morphologie féminine est pourtant fausse puisque la souplesse s’acquiert. Et on peut même en commençant tard gagner très rapidement en souplesse avec une pratique régulière.
Signe du marché à prendre, des studios réservés aux hommes, ou du moins s’adressant aux hommes, commencent à voir le jour. Les femmes y sont les bienvenues accompagnées d’un homme. A l’heure -du no gender, de l’anti-sexisme et de l’inclusion, cette approche a de quoi surprendre mais il semble malgré tout nécessaire d’en passer par là. Avec 80% de pratiquants femmes, les hommes qui veulent s’initier au yoga peuvent se sentir un peu décalés dans un cours rempli de femmes, et pour un certain nombre d’entre eux, c’est un frein.
Or, une telle démarche peut être productive dans le cadre d’une initiation et se traduire par la suite par une plus grande mixité dans les cours. Car il est évident que le yoga a toutes les qualités de la mixité. Très vite les hommes qui le pratiquent comprennent qu’ils doivent renoncer à l’idée de performance. Le yoga peut certes être abordé sur le plan de l’engagement physique, en choisissant par exemple un vinyasa dynamique, mais il trouve sens dans la relaxation et la réduction du stress qu’il apporte et très naturellement on tend vers le « lâcher-prise », la reconnexion à soi. On finit très rapidement par rechercher ce que les femmes ont déjà trouvé dans cette discipline, une stabilité émotionnelle. L’agressivité qu’on a tendance à attribuer aux hommes, au yang, tend à diminuer et laisse place à la reconquête de l’équilibre à la fois physique et mental. Les barrières mentales d’ailleurs tombent vite et les hommes qui pratiquent le yoga, trouvent rapidement une harmonie avec l’univers, et rejoignent ainsi les femmes sur un terrain partagé puisque cette harmonie ne peut pas être l’exclusivité d’un genre. Ils se rejoignent parce les aspirations humaines universelles qu’instille la dimension spirituelle du yoga leur sont communes.
Les hommes ont tout à gagner à s’emparer du yoga-Paris et il ne parait pas inepte de voir se développer des cours spécifiques aux hommes. Le yoga ne cesse de se diversifier, de se réinventer, même s’il repose sur des fondamentaux incontournables et pour ainsi dire immuables. Il n’y a donc rien de choquant à voir se dessiner des portes d’entrée nouvelles pour les hommes. Il existe bien des cours qui s’adressent spécifiquement aux femmes, qui s’appuient par exemple sur le « féminin sacré ». Les hommes n’y ont pas leur place. Il est légitime que se développent donc des cours visant un public masculin. C’est sans doute à cette condition que le yoga va peu à peu tendre vers une plus grande mixité. Et les hommes auraient bien tort de se priver de tous les bienfaits du yoga pour la simple raison que sa représentation échapperait à leur schéma mental.